On se reverra. [R. Matt' <3]

Un nom, peu importe lequel, pour qu'elle daigne lui foutre la paix à ce propos. Abigaïl. Voilà. C'était la fille qu'il voyait. Abigaïl. Sa mère adoptive en fut presqu'heureuse de savoir enfin le nom de celle qui faisait battre le coeur de son William, mais William ne pouvait pas s'en réjouir. En d'autres circonstances, en effet, il aurait apprécié la voir dans cet état d'excitation, mais ce n'était pas un jour comme les autres et il venait de lui mentir en pleine face. Non il ne voyait pas Abigaïl. Il ne savait même pas qui elle était. En fait si, elle était dans son cours, mais il ne lui avait jamais parlé. Elle était sa couverture, rien de plus. Il se servait d'elle afin d'expliquer ses sorties nocturnes. Il l'amenait souvent au cinéma, au restaurant; ils étudiaient ensemble, même. Tout ça n'était que pur mensonge et il s'en voulait de faire subir ça à Joelle, celle qui lui faisait confiance, celle qui croyait en lui. Il n'avait tout simplement pas le choix puisqu'il ne pouvait pas lui révéler les véritables raisons de ses sorties. Il ne pouvait pas expliquer qu'il partait en espérant trouver un vampire, chaque soir. Il y avait longtemps qu'il n'avait pas été mordu. Il avait attendu une semaine avant de ressentir un intense besoin, mais voilà presque trois semaines qu'il était sans nouvelles. Voilà maintenant deux semaines qu'il se rendait au lieu de rendez-vous sans nouvelle aucune. Et il ne pouvait s'empêcher d'y retourner chaque soir. Ce putain de vampire le faisait marcher. William était en manque. Tellement en manque qu'il avait osé prendre le mouchoir de Nicky avec lui, au lieu de le laisser dans sa petite boîte initiale. C'était une grosse bêtise, il risquait de perdre son odeur à jamais, mais il glissa tout de même le petit bout de tissu dans sa poche, fermant les yeux afin de reprendre ses esprits.

Il quitta, ce soir-là comme tous les autres soirs, la maison en prenant soin de préciser qu'il ne savait pas combien de temps il serait partit. Il avait inventé le truc du téléphone qui ne fonctionne plus chez sa copine afin de lui permettre de s'éclipser chaque soir afin d'aller la voir et lui demander si elle voulait faire quelque chose. Il semblait avoir été convainquant puisque Joelle le croyait dur comme fer. Tant mieux, ça lui évitait quelques petits soucis... Il poussa un soupir en verrouillant la porte derrière lui, passant une main dans ses cheveux pour les remettre en place. Il se mit aussitôt en route, prenant d'abord sa voiture afin de laisser croire à sa supercherie. Il laisserait sa voiture à une distance raisonnable de son lieu de rendez-vous afin de ne pas donner l'alerte. Soit il empruntait les ruelles faiblement éclairées et très peu occupées, soit il prenait les grandes artères. Le résultat était le même; il avait très peu de chances de se faire repérer. Il parcourut le reste à pied. Un kilomètre, peut-être deux. Mais William s'en fichait. Voilà maintenant plus d'une douzaine de jours qu'il parcourait les mètres qui le séparaient de Matthew, supposément, mais le vampire n'était jamais là. William aurait pu parier qu'il le narguait et cela le faisait souffrir de plus en plus. Ce n'était pas un simple caprice, c'était un réel besoin. C'était sa drogue! Les stages et les cours étaient intéressants et c'était certainement la seule chose qui lui permettait de penser à autre chose. Dès qu'il rentrait chez lui, un vide immense s'emparait de tout son être et il appréhendait la prochaine rencontre avec Matthew.

Il fit le tour de l'endroit des yeux lorsqu'enfin il parvint au lieu de rendez-vous. Leur lieu de rendez-vous. À Nicky et à lui. Et voilà que Matthew le squattait maintenant. Mais Matthew faisait exprès de l'énerver. William savait que Matthew ne venait ici que pour faire ressortir les pensées et les évènements qui s'étaient produits avec Nicky. Mais avait-il d'autres choix? Certainement pas. Les vampires ne couraient pas les rues. Enfin si, peut-être, mais les vampires connus de William ne couraient pas les rues. Encore une fois, il s'était fait avoir. Il n'y avait pas âme qui vive sur les lieux. Le coeur de William battait à cent mille à l'heure, comme à chaque fois qu'il venait ici en espérant y trouver Matthew. Il ne savait pas combien de temps il pouvait tenir comme ça. Un mois? Peut-être deux? Peut-être devrait-il lui-même se faire des transfusions sanguines? Afin de tenter de représenter grossièrement l'effet que lui procurait le vampire? Non. Ce ne serait jamais pareil puisque c'était le contact avec le vampire qu'il appréciait. C'étaient les mains de Nicky sur sa peau et ses dents contre son cou qui le faisait languir et non la perte de sang occasionnée par sa folie. Il serra les poings, tourna sur lui-même afin de tenter d'apercevoir l'ombre d'une silhouette. Personne. Son regard demeura un long instant prisonnier du miroitement de la lune sur l'eau du lac, comme épris de la beauté de l'endroit, même s'il la voyait tous les jours.

Ce ne fut que lorsqu'il reprit sa position initiale, à l'affût du moindre bruit, qu'il le vit. Matthew quittait les arbres qui le maintenaient caché à la vue de William et s'avançait maintenant vers lui d'un regard hautain. William fit quelques pas vers lui également, sentant le sang affluer à ses tempes en ne demandant qu'à quitter ce corps qui l'empoisonnait.

« Qu'est-ce que tu foutais? Je t'ai attendu! Longtemps. T'es jamais venu. T'as changé d'avis? »

William avait fait un pas dans sa direction, mais s'était brusquement arrêté, laissant son coeur exprimé son ressenti. Oui il était en colère. Et selon lui, cette fureur était parfaitement justifiée. Il était en colère, mais la hâte qu'il ressentait le rendait impulsif. Il n'était plus le scientifique qu'on connaissait et qui prenait toujours le temps de réfléchir avant d'agir, il était davantage le médecin qui se devait d'agir rapidement face à une situation d'urgence. William était doué dans les deux. Mais là, il n'était plus personne. Il était lui. Simplement. Il réduisit donc à néant la distance qui le séparait de Matthew et passa une main nerveuse dans ses cheveux. Ses mains tremblaient et il dut serrer les poings pour faire cesser les tremblements.

« Je croyais que tu ne viendrais jamais. Je croyais que tu étais partit comme elle est partie. Je constate que tu es là, devant moi. C'est bien. Fais-le. Maintenant. »

William s'était avancé jusqu'à ce que leurs corps soient quasiment en contact et avait naturellement penché la tête, fermant les yeux en se rappelant l'effroyable douleur qu'il avait ressenti la première fois avec Matthew. Il s'en fichait. Il devait se faire violence afin de ne pas s'agiter, mais il ouvrit brusquement les yeux après de nombreuses secondes qui lui avaient paru aussi longues que l'éternité.

« Fais-le! On discutera après, si tu veux. Mais je n'en peux plus d'attendre. »

Sa main s'était naturellement posée dans le cou du vampire afin de le rapprocher de lui, dégageant son propre cou pour lui laisser le champ libre. L'espace d'un instant, il comprit que tout était différent. Ce n'était pas Nicky qui se tenait à côté de lui, mais bien Matthew. Un vampire. Le bien qu'il lui procurerait serait du pareil au même, de toute façon et Will' attendait avec véhémence que l'autre daigne le mordre. Ce serait fait, après, il se sentirait mieux.

Comme chaque soir depuis près de trois semaines, Matthew quitta son domicile afin de se rendre au Lac Michigan. La beauté du lieu aurait pu être la raison de ses promenades nocturnes, elle l’avait d’ailleurs été autrefois... Pour beaucoup, l’endroit était synonyme de ressourcement et d’apaisement mais pour Matthew il était tout autre à présent… il serait le témoin de l’aboutissement de ses plans et d’une certaine façon, de sa vengeance. Car il s’agissait bien là d’une vengeance… une dont il avait semé les premiers grains plusieurs jours auparavant. Lorsqu’il s’était rendu sur les lieux de leur rendez-vous, c’était dans l’unique but –et espoir- d’y trouver Nicky. Son absence commençait à être des plus inquiétante, et le fait de ne pas avoir de ses nouvelles n’arrangeait en rien la préoccupation de Matthew. Il avait alors songé, que quoi qu’il arrive, elle se rendrait à ses rendez-vous avec son Calice. Hélas, la belle ne s’était pas montrée ce qui laissait croire au vampire que quelque chose avait pu lui arriver. Mais lorsqu’il s’était retrouvé face à William, l’inquiétude avait laissé sa place à la jalousie mais aussi au dégoût. Comment Nicky avait-elle pu s’attacher à cet être insignifiant ? Car elle s’était attachée à lui plus que de raison, il le savait et rien que pour cela, il le détestait. Son plus grand désir était d’éloigner l’humain de la brune, et il avait vu dans la désertion de Nicky un bon moyen de les pousser à se séparer. Matthew s’était donc ‘amusé’ de l’abandon du vampire, mais William s’était montré bien plus coriace que prévu. D’ailleurs Matthew avait dû grandement prendre sur lui afin de ne pas lui briser la nuque. Mais lorsque l’occasion de le mordre s’était présentée, un nouveau plan avait germé dans l’esprit retors du vampire. A défaut de pouvoir l’éloigner de Nicky, il pourrait lui faire oublier la belle en jouant le rôle de substitut, et lorsqu’elle reviendrait, car elle reviendrait, il en était certain, William serait totalement sous son emprise, n’ayant d’yeux que pour lui et ne prêterait plus aucune attention à sa douce Nicky.

Son plan était parfait, il le savait, bien que demandant un temps certain afin d’aboutir, à moins que William ne soit qu’un faible d’esprit, ce qu’il soupçonnait grandement tant il ne pouvait imaginer un humain ayant plus de force de caractère que lui. Mais le temps qu’il devrait gaspiller pour William lui était égal… déjà, Matthew avait l’avantage de l’éternité et même s’il n’aimait pas perdre son temps pour autant, le but à atteindre en valait la peine. Finis irritation et colère de les voir ensemble. De plus, si il pouvait le lui en faire baver au passage –ce qu’il ferait assurément- il ne se ferait pas prier. D’ailleurs il avait déjà commencé en jouant avec ses nerfs… Une semaine après leur première entrevue, William n’avait eu de cesse de venir au Lac pour le trouver mais le vampire ne s’était pas encore montré. Y’ayant quelques responsabilités, il n’aurait pas été difficile de comprendre que Matthew puisse être bien trop occupé pour venir retrouver William, mais il n’en était rien. Chaque soir, Matthew était venu, mais au lieu de faire face à l’humain et de lui offrir ce qu’il attendait, il se contentait de rester à couvert et de jubiler en le voyant ainsi se morfondre. Il lui infligeait là une leçon bien méritée ! Le voir en manque, tel un drogué n’ayant pas eu sa dose, et savoir qu’il avait conscience qu’il était le seul à pouvoir l’apaiser, qu’il dépendait de lui était tout simplement exquis. Il aurait pu encore faire durer le plaisir, mais l’idée qu’il en perde complètement l’esprit ou qu’il puisse –par malchance- rencontrer un autre vampire avait fait son chemin l’obligeant à cesser son manège et de ce fait, à abréger ses souffrances.

Voilà pourquoi, ce soir là, il quitta les arbres qui jusqu’à lors lui avait permis de se dissimuler. « Qu'est-ce que tu foutais? Je t'ai attendu! Longtemps. T'es jamais venu. T'as changé d'avis? » Un sourire mauvais étira les lèvres de Matthew. Bien sûr qu’il savait qu’il avait attendu, et non, il n’avait pas changé d’avis, loin de là. Néanmoins, cela ne lui donnait pas le droit de lui parler comme il osait le faire et pourtant… pourtant, Matthew serait se montrer clément cette fois car il aimait bien trop ce qu’il faisait naître chez l’humain pour s’en formaliser. Lorsqu’il le vit approcher, il garda cette fois un visage fermé, attendant que le piège ne se referme de lui-même. « Je croyais que tu ne viendrais jamais. Je croyais que tu étais partit comme elle est partie. Je constate que tu es là, devant moi. C'est bien. Fais-le. Maintenant. » Ca y était… William venait de faire le premier pas sur un chemin duquel Matthew ne serait pas prêt de le laisser dévier. C’était lui qui cherchait le contact, lui qui offrait sa gorge… et Matthew n’allait pas se faire prier. Pourtant il le fit languir, il aimait tellement se faire désirer. « Fais-le! On discutera après, si tu veux. Mais je n'en peux plus d'attendre. » – « Ce que vous pouvez être impatients, vous les humains. » Constata-t-il non sans amusement. Et pourtant, lui-même pouvait se montrer impatient en certaine circonstance, mais se comparait à des êtres aussi insignifiants n’était pas envisageable pour le vampire.

Mais le sourire amusé de Matthew glissa rapidement et ses traits redevinrent ceux qu’ils étaient en sentant la main de William se loger sur sa nuque. La pression qu’il tenta d’y infliger lui fit froncer les sourcils, et ce fut sans délicatesse qu’il repoussa le bras de l’humain. Il avait laissé trop de liberté à ce déchet, il était tant de mettre les points sur les ‘i’ ! Empoignant le col de sa chemise, il le rapprocha sensiblement de lui afin que leur visage ne soit plus qu’à quelques centimètres, il s’assurait ainsi avoir toute son attention car il doutait de cette dernière tant il semblait en manque… « Ecoutes moi bien mon cher William, je suis celui qui décide ici. Ne crois pas pouvoir prendre tes aises, je ne suis pas Nicky. Avec moi, tu as juste à attendre bien sagement mon bon vouloir, c’est clair ? Si ça ne te convient pas, tu peux toujours aller trouver un autre vampire. » Il n’attendit pas de réponse, sachant pertinemment que William se plierait à ses ordres. Il était le seul vampire de sa connaissance en dehors de Nicky, dans le cas contraire, nul doute qu’il se serait adressé à un tout autre qu’à lui afin de se faire mordre. C’était une certitude.
Certain de s’être bien fait comprendre, il relâcha sa prise tout en toisant le jeune homme. Qu’il ose se montrer de nouveau insolent et Matthew ne répondrait plus de rien. C’était la difficulté première de son plan, ne pas trop abîmer, ni tuer William. Si ils en venaient à en arriver là, Nicky ne lui pardonnerait sans doute jamais. De plus, Matthew voulait le faire souffrir plus moralement que physiquement, bien qu’il n’ait pu se retenir la fois d’avant. Lorsqu’il avait planté ses crocs dans la chair de son cou, il avait prit plaisir à le faire de manière plus que brutale afin d’apaiser la colère qu’il avait fait naître en lui, mais maintenant, cela serait différent.

Pensant le message passé, Matthew décida d’accéder à la requête de William. Il se pencha vers son nouveau Calice, son nouveau jouet… prenant soin de s’humidifier les lèvres au passage. Il sauvait peut être les apparences, mais il était tout aussi impatient de mordre de nouveau William que ce dernier. Si il devait bien lui attribuer quelque chose, c’était la saveur de son sang. Mais il n’aurait pas dû s’en étonner, Nicky avait toujours eu du goût. Mais alors que ses crocs allaient se poser sur la peau déjà meurtrie de l’humain, une odeur particulière vint chatouiller les narines de Matthew. Sa réaction fut instantanée : sa main agrippa avec force le cou de William et il la plaqua sans ménagement au tronc d’un arbre à proximité. Ses yeux s’étant assombris le fixaient, comme cherchant à lire en lui, et sa voix gronda de mécontentement dans sa gorge avant qu’elle ne s’élève dans quelques paroles. « Quand l’as-tu revus ?! » Demanda-t-il furieux. Car il l’avait reconnu… l’odeur, la fragrance de Nicky, elle était tellement particulière et de plus, jamais son odorat ne lui avait fait défaut. A nouveau un grondement s’échappa de sa gorge. Pourquoi ?! Pourquoi était-elle allée le voir lui ?! La jalousie et la colère lui firent resserrer sa prise autour du cou pourtant fragile de William. Pourtant quelque chose en lui lui disait de se calmer, que sa colère n’était peut être pas justifiée. Il réalisa alors la faiblesse de l’odeur et su que quelque chose clochait. Il se mit alors à humer plus soigneusement l’air et il ne lui fallut qu’une poigné de secondes afin de localiser d’où provenait l’odeur. Sans qu’aucune gêne ne vienne déformer ses traits, Matthew faufila sa main libre dans la poche du pantalon du jeune homme et en ressorti en petit mouchoir. Face à cette découverte le vampire arqua un sourcil. Etait-ce bien ce qu’il pensait ? « Si ce n’est pas pathétique… » La main qui serrait encore la gorge de William la relâcha enfin, et il remit le petit bout de tissu là où il l’avait trouvé. « Enfin, si tu tiens tant que cela à te raccrocher à des chimères. » Bien entendu, ses paroles n’étaient destinées qu’à faire tomber William un peu plus dans ses filets, car lui-même ne croyait pas en ses propres mots. Elle reviendrait… du moins en était-il persuadée, mais ce qu’il voulait c’était que William pense le contraire.

Ne faisant plus cas de cette histoire de mouchoir, Matthew revint à ses intérêts premiers. D’une main, il dégagea complètement le cou de William en tirant sur le col de sa chemise, et de l’autre, il ferma ses doigts en douceur sur ses cheveux et lui fit ainsi pencher la tête afin d’avoir le champ libre. Ces quelques gestes n’étaient sûrement pas nécessaire, William étant des plus docile ce qui ennuyait un peu le vampire dans un sens… il aimait qu’on lui résiste, la chasse étant un sport qu’il affectionnait tout particulièrement. Bien qu’il fût brutal la fois précédente, ce fut en douceur qu’il tenait à s’y prendre à présent. Sa langue se fit caressante sur la marque qui témoignait des morsures passées et se fit avec une extrême lenteur mêlée à une tendre délicatesse qu’il laissa ses crocs pénétrer la chaire. Il se fit violence afin de ne pas laisser un soupir de satisfaction lui échapper lorsque le sang commença à couler dans sa gorge. Si William venait à deviner qu’il aimait son sang, cela remettrait leur statu en cause et il l’imaginait déjà chercher à en profiter. Or Matthew ne faisait jamais part de faiblesse et les dissimulait du mieux qu’il le pouvait afin que jamais on ne puisse en jouer, ce n’était donc pas avec William que les choses allaient changer. Cela ne l’empêcha pourtant pas de serrer son corps au plus près du sien, intensifiant par ce geste la morsure.

Il quitta la gorge de William rassasié, et ce fut d’un air satisfait et quelque peu moqueur qu’il souffla à son oreille : « Alors, soulagé ? » Ce qu’il se gardait bien de dire, c’était que lui aussi l’était. Sachant qu’il devait retrouver William dans la soirée, il ne s’était pas accordé de repas de la journée, histoire d’en profiter davantage. Un sourire indéchiffrable sur les lèvres, il prit le menton du jeune homme entre ses doigts, l’obligeant ainsi à lui faire face, et alors qu’il le maintenait toujours prisonnier entre son corps glacé et l’arbre, il alla caresser sa bouche de la sienne dans un baiser langoureux. Le but de Matthew étant de faire oublier Nicky à William et de le faire se raccrocher à lui et pour se faire il userait de tous les moyens.

Un rire amusé vint poindre sur les lèvres de Will' lorsque Matthew le saisit par la chemise, sans doute furieux. Mais tout compte fait, William se fichait bien de le mettre en colère ou pas. Il voulait qu'il le mordre, peu importait la façon dont il s'y prenait et dans ces temps-là, il pouvait être particulièrement téméraire. Il jouait avec le feu en fait, parce que le vampire pouvait ne pas s'arrêter, s'il était trop furieux. Il pouvait le vider de son sang sans parvenir à savoir où était la limite et William n'existerait plus, ne serait plus que corps sans vie alors que Joelle le pleurerait. Tant pis, c'était un risque à prendre. Les idées de Will' n’étaient plus très claires, même avec la main qui le retenait tout près du visage de Matthew. Les paroles du vampire le firent rigoler alors qu'il roula des yeux faussement surpris.

« Je faisais bien plus que prendre mes aises, avec Nicky, je peux te l'assurer. Et puis... Avoue que si je décidais de partir maintenant tu le regretterais. »

William sembla particulièrement heureux de le voir accéder à sa requête, lui offrant son cou alors qu'il fermait les yeux en sentant les crocs du vampire posés contre celui-ci. Cette sensation... Il était décidément prêt à tout afin de ressentir de nouveau l'euphorie que cela provoquait en lui. Sa respiration s'accélérait à un tel point qu'il crut que son coeur lâcherait avant de se souvenir tout d'un coup que les crises cardiaques chez les gens de sa tranche d'âge étaient plutôt rares. Il s'alimentait correctement - Joelle avait toujours été stricte là-dessus. Il n'avait aucune raison de mourir de problèmes du coeur aussi jeune. Il faisait beaucoup d'exercice physique, il...

Brusquement, il fut plaqué contre un arbre et ses yeux s'ouvrir de stupeur lorsque Matthew grogna devant lui. À quoi il jouait? Il voulait lui montrer qu'un vampire pouvait parfaitement imiter le lion? Raté. Mais il l'effrayait tout de même, ainsi énervé. Lui qui s'attendait à recevoir enfin ce qu'il attendait depuis des jours et des jours, Matthew trouvait encore le moyen de se défiler. Toutefois, le reproche qu'il lui fit le laissa sans voix. Revu? Revu qui? La main de Matthew glissa dans la poche du jeans de William et ce dernier fronça les sourcils en ayant l'impulsion de faire un pas en arrière, ce qui ne fit que le serrer davantage contre l'arbre. La main de Matthew l'étranglait alors que Will' tentait vainement de se dégager; il savait bien qu'il n'avait aucune chance. Il ne comprit la raison de ses répliques que lorsque le vampire sortit le petit mouchoir de sa poche en relâchant la pression de sa main sur son cou. Aussitôt, Will' porta ses propres mains à son cou en grimaçant alors qu'il tentait de rattraper son air, sa respiration précédemment haletante ne l'ayant aucunement aidé sur ce coup-là. Pourtant, la colère manqua de déferler sur le vampire lorsqu'il comprit qu'il posait ses mains sur le seul bout de tissu qui lui restait de Nicky. William ne put s'empêcher de tenter de récupérer le bout de tissu.

« Laisse-ça où c'est! N'y touches pas! »

Énervé, William paniqua pour rien et il s'en rendit compte puisque le vampire le lui rendit sans trop de cérémonie. Il avait sans doute mis sa propre odeur dessus et celle de Nicky serait partie, désormais. Lorsque, pourtant, le vampire décida enfin de s'intéresser une nouvelle fois à son cou qu'il dégagea, William ne put s'empêcher d'émettre un râle de satisfaction. Les petites attentions que prenait le vampire étaient loin de lui déplaire alors que la langue de Matthew se faisait caressante sur les marques que lui avaient précédemment infligé Nicky et Matthew. Bien sûr, celle-ci demeurait peu visible pour un observateur ordinaire, mais les vampires devaient la voir de loin. William sentait sa respiration s'accélérer de nouveau alors que la main de l'autre retenait ses cheveux en tendant le col de sa chemise. Il ferma les yeux alors qu'il attendait avec véhémence que l'autre morde enfin sa chair.

Lorsque les crocs cessèrent de le faire attendre, William émit un soupir de soulagement, ne cherchant même pas à le cacher. De toute façon, avec l'impatience dont il avait fait preuve depuis le début, il doutait que la supercherie fonctionne, même s'il essayait. Et il n'avait pas de temps à perdre avec des conneries. Il voulut presque retenir le vampire lorsque celui-ci vint murmurer à son oreille, quittant ainsi son cou du même coup. William déglutit et ne dit rien toutefois, tentant désespérément de paraître neutre ce qui était loin d'être réussi vu l'intense soulagement dans son regard. Tout son être semblait plus calme, plus apaisé, même si la soudaine fatigue le clouait au sol malgré tout. Il y avait toujours un état de faiblesse après ça, ce n'était pas difficile de savoir pourquoi. Pourtant, la faiblesse, le soulagement et l'euphorie semblaient se mêler afin de rendre William dans un état second.

Toutefois, lorsque Matthew saisit son menton d'une main et qu'il vint embrasser ses lèvres, Will' resta d'abord de glace avant d'appuyer le dos contre l'arbre, un peu plus fort, passant une main dans le dos du vampire pour le rapprocher de lui davantage. Il répondit au baiser avec une fougue qu'on ne lui connaissait pas alors que son autre main farfouillait maintenant dans les cheveux du vampire. La sensation qui le tenailla cette fois lui fit cesser tout geste alors qu'il se rendait compte de ce qu'il faisait. Il tenta vainement de se défaire de l'emprise du vampire et ne parvint qu'à tourner la tête afin de se dégager avant de repousser l'autre de ses mains.

« Dégage! Qu'est-ce que tu fiches? Va t'en! Tu as eu ce que tu voulais, j'ai eu ce que je voulais. Tu peux dégager. Vas-y! Je n'ai plus besoin de toi. »

Pourtant, William devrait prendre quelques minutes de repos avant de rentrer, même si l'autre partait et le laissait là, comme ça. Il passa une main nerveuse dans ses cheveux et comprit qu'il devait avoir mauvaise mine. La marque de son cou lui brûlait un peu, mais c'était supportable. Il glissa d'ailleurs sa main à sa blessure et ramena ses doigts devant lui en grimaçant lorsqu'il y vit le sang qui y était. Il n'avait pas peur du sang. En fait, il n'avait pas peur du sang qui n'était pas le sien, mais il n'aimait pas être blessé. Sans doute était-ce l'une des raisons pour laquelle il ne se sentait jamais au mieux de sa forme après chaque morsure et pourtant... Pourtant, il ne pouvait s'en passer. Il y était accroc et il le savait, mais il ne pouvait rien faire d'autre que d'encaisser à chaque fois. C'était comme ça. Et Dieu seul sait à quel point il ne pouvait se passer de cet état d'euphorie, de cette proximité... Mais Matthew n'était pas Nicky. Il était loin de l'être même. Nicky avait disparu, il ignorait même s'il la reverrait un jour, mais il s'accrochait à l'espoir. L'espoir faisait vivre, non?

Il ne put s'empêcher de dire ses pensées à voix haute pourtant. Il n'aurait jamais dû.

« Nicky va revenir me retrouver. Tu le sais, non? Qu'elle va revenir? Et ça te tue de penser ça. Qu'elle se fiche de toi et qu'elle m'aime, moi. Que veux-tu, faut croire que tu n'es pas assez bien pour elle. »

Un rire amusé franchit les lèvres de William alors que son expression devenait particulièrement irritante. Il avait appuyé la tête contre le tronc d'arbre et le sang qui avait coulé le long de son cou faisait maintenant une belle traînée rougeâtre pourtant très peu visible à cause de la faible clarté due à la lune. Il pouvait sembler offert, mais seule la morsure était responsable de son état. L'ivresse provoquée par celle-ci ne pouvait que le rendre nonchalant. Il pouvait sembler fou, aussi, dérangé, mais Matthew n'en penserait pas tant, il ne savait pas penser.

« Elle va revenir... Pour moi. »

Ce dernier mot était davantage pour lui-même, mais c'est dans ces moments-là qu'il aurait aimé se rappeler de la fine ouïe des vampires. Matthew ne manquerait certainement pas un mot de ses paroles et il ne pouvait se dire si c'était une bonne ou une mauvaise chose.

Dans l’esprit calculateur de Matthew, William était un ennemi, un rival qui se devait d’éliminer. Bien que moins fort que lui tout autant physiquement que moralement, il restait dangereux. Il était, malgré ses faiblesses, un adversaire de taille. Suffisamment fort pour lui prendre ce qu’il ne voulait surtout perdre : Nicky. La belle s’était bien trop attachée à ce qui n’aurait du être et resté qu’un Calice. Et le vampire détestait lorsqu’il savait qu’elle allait le retrouver. L’idée qu’elle puisse avec lui, partager bien plus que la simple morsure le révulsait. Tous ses muscles se crispaient à cette simple idée. Comment un être aussi misérable pouvait intéresser Nicky ? La réponse de Matthew était fort simple : Ce n’était qu’une gamine prise d’affection devant un animal domestique, docile et dépendant de sa personne. Son esprit refusait d’admettre qu’elle puisse trouver un réel intérêt à William. Qu’elle puisse aimer passer du temps avec lui alors qu’elle aurait pu en passer avec lui-même. Quel vampire digne de ce nom aurait préféré la compagnie d’un humain à celle de l’un de ses congénères ? Mais il devait se montrer réaliste. Nicky était bien plus liée à son Calice qu’il ne le désirait. D’ailleurs lorsque ce dernier c’était permit de faire une remarque sur leurs rapports intimes, Matthew avait dû faire appel à tout son self contrôle pour ne pas lui arracher purement et simplement la tête. Le tuer n’était pas dans ses projets, il avait de bien meilleurs plans le concernant.

Aussi, ce baiser qu’il lui donnait en faisait parti. Faire s’accrocher William à lui, par tous les moyens, était son but premier. Ainsi il finirait par oublier la belle Nicky pour ne dépendre plus que de lui. Ainsi lorsque la demoiselle reviendrait, son Calice n’aurait pu la moindre attention à son égard. Et si elle en était attristée, Matthew lui proposerait l’un des siens. Ou plutôt l’une des siennes. Il ne tenait pas à ce que cette abomination ne se reproduise. Pourtant Matthew connaissait bien des vampires s’étant un peu trop épris de leur Calice, et cela ne l’avait jamais dérangé en soit. Mais en ce qui concernait Nicky, il trouvait cela inacceptable. Briser leur relation était donc son objectif et tout était bon pour y parvenir.
Il avait donc profité du pouvoir qu’avait la morsure sur les humains pour venir cueillir ses lèvres. Même si il ne devait l’avoir que dans ces occasion, usant de la ruse, il tromperait tout de même Nicky d’une certaine façon. Aussi, retourner auprès d’elle ne serait pas aussi aisé, surtout si Matthew venait à révéler à la brune la vérité, ce qu’il ferait bien entendu ! Pourtant, même en sachant William encore grisé par la morsure, il fut surprit de le sentir répondre à son baiser et encore plus, avec autant d’application. Une main caressant ses cheveux, l’autre faisant pression dans son dos afin de le rapprocher de lui. Matthew n’opposa aucune résistance et souriait intérieurement. Voilà qui était bien plus facile que prévu. Bien qu’il les sache faibles, il avait du encore surestimer les humains.

Mais aussi vite qu’il s’était investi dans son petit jeu, William cessa, se défaisant de l’emprise du vampire simplement en se dérobant à ses lèvres. « Dégage! Qu'est-ce que tu fiches? Va t'en! Tu as eu ce que tu voulais, j'ai eu ce que je voulais. Tu peux dégager. Vas-y! Je n'ai plus besoin de toi. » Les sentiments de Matthew étaient partagés entre l’amusement et l’agacement. L’amusement d’abord parce que William se montrait bien changeant. Après s’être ainsi laissé aller dans les bras du vampire, et surtout, après s’être autant impliqué, voilà qu’il jouait les prudes offusquées. L’agacement ensuite, car il se permettait de lui parler d’une façon bien irrespectueuse. Il ne semblait réaliser à qui il avait à faire. Ou plutôt, si. Mais il semblait s’en moquer comme s’il était persuadé que rien ne pourrait lui arriver, que jamais Matthew ne s’en prendrait à sa vie. C’était d’autant plus rageant car il avait raison. Si il avait pu tuer l’humain sans que cela n’ait de conséquences, il l’aurait déjà fait. Seulement, il savait que ce n’était pas la meilleure façon de se débarrasser de lui. Si Nicky apprenait que Matthew avait ôté la vie à William, elle ne lui pardonnerait très certainement jamais. Or, ce n’était pas ce qu’il désirait. Il devait donc composer. Pourtant, il aurait aimé lui briser la nuque à ce petit prétentieux qui lui prenait son temps précieux. Mais il devait garder bonne figure et ne surtout pas laisser ses remarques le faire sortir de ses gons.

Mais William semblait décidé à pousser sa chance. « Nicky va revenir me retrouver. Tu le sais, non? Qu'elle va revenir? Et ça te tue de penser ça. Qu'elle se fiche de toi et qu'elle m'aime, moi. Que veux-tu, faut croire que tu n'es pas assez bien pour elle. » Inconscient ! Savait-il la chance qu’il avait ? Se doutait-il un seul instant qu’un tout autre vampire que lui l’aurait déjà égorgé. Matthew n’était d’ailleurs pas loin de craquer. Il serra plusieurs fois les poings afin de tenter de se calmer, mais ne cessait de bouillir à l’intérieur. Le rire qu’il se permit de lâcher bourdonnait à ses oreilles dangereusement. Pourtant il réussi à s’exhorter au calme. Un calme fragile, ne tenant qu’à un fil et ne demandant qu’à se briser à la moindre opportunité. Et cette opportunité, William ne mit pas plus de quelques secondes à la lui donner. « Elle va revenir... Pour moi. » Ce fut avec un grognement digne de celui d’un animal que Matthew se jeta sur William. Agrippant sa gorge avec férocité, son regard laissait deviner ce qu’il désirait faire à l’humain en cet instant. « Si Nicky revient, ça ne sera sûrement pas pour toi mais pour ses congénères. Cesse de te prendre pour le centre de son monde ! Tu n’es qu’un humain ! Nous ne nous mêlons pas à ce point à votre espèce. Nous n’avons rien à faire avec vous. » Cela ne suffit pas à calmer Matthew, toujours énervé par l’audace de William. Lui faire mal physiquement le démangeait et il céda à ses pulsions en lui envoyant son poing dans l’estomac avec force. Satisfait en voyant la douleur se peindre sur son visage, Matthew se pencha et vint déposer quelques mots au creux de son oreille. « Elle ne t’as jamais aimé. Tu n’étais qu’un garde mangé bien docile pour elle. Elle t’a abandonné… Tu sais très bien qu’elle ne peut pas vivre aussi longtemps sans se nourrir, et le fait est qu’elle a du se trouver un nouveau Calice. Nous sommes changeant, l’éternité est bien trop longue pour que nous nous contentions de fidélité. Nicky n’est pas différente, loin de là. » Le fait qu’elle ne l’ait jamais aimé était une vérité que Matthew s’imposait tant il ne pouvait supporter l’idée contraire. Et il espérait ardemment que tout ce qu’il venait d’énoncer était vrai. Et même dans le cas contraire, il se consolerait avec le fait que William, lui, y croit. C’était surtout ça, son but premier.